“ Les biais de perception font le lit du racisme systémique dans les soins ” 

Élie Azria est gynécologue-obstétricien et chef de service au sein du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. En tant que membre de l’Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale ­périnatale et pédiatrique (Épopé) de l’Inserm, il étudie depuis de nombreuses années les ­inégalités sociales en santé. Il a coordonné notamment les recherches sur la cohorte PreCARE, pour déterminer l’impact de la précarité maternelle sur la santé maternelle et périnatale. Il coordonne à présent le projet de recherche Biais implicites et soins différenciés en périnatalité (Bip).

© D.R. En quoi consiste le projet Bip ? L’objectif global de Bip est d’essayer de comprendre les mécanismes des inégalités sociales de santé entre femmes migrantes et femmes natives. Il s’agit de voir si, à côté des mécanismes déjà documentés, un phénomène de discriminations inconscientes serait à l’œuvre, participant à ces inégalités de santé. Un premier volet épidémiologique consistait à vérifier l’existence de soins différenciés en périnatalité entre femmes migrantes et femmes natives, en particulier les femmes venant d’Afrique subsaharienne dont nous savons qu’elles présentent les taux de morbidité et mortalité les plus élevés. Nous avons étudié, au travers d’analyse de bases de données, cet aspect dans le cas de la césarienne, du dépistage de la trisomie 21 et de l’analgésie péridurale pendant le travail. Ces volets sont achevés et ont fait l’objet de publications. Nos résultats montrent l’existence de soins différenciés en matière de césarienne, notamment en cours de travail, et de dépistage de la ­trisomie 21. En revanche, aucune différence dans les soins n’a été retrouvée concernant l’administration de la péridurale et les délais dans lesquels elle était pratiquée. Le deuxième volet consistait à étudier les préjugés implicites et inconscients chez les professionnels de santé en périnatalité : obstétriciens, anesthésistes et sages-femmes. Car, comme n’importe qui, les professionnels de santé peuvent être porteurs de préjugés ethno-raciaux, susceptibles de déterminer des pratiques de soins différentes selon les catégories sociales et sans que ces différences ne reposent sur des bases médicales pertinentes. L’analyse est achevée, a fait l’objet d’une communication orale et nous préparons la publication des résultats.  Nous avons adapté des outils mis au point par des psychologues sociaux de l’université d’Harvard. Lorsqu’on teste les biais implicites, il faut s’assurer au préalable de l’existence de préférences explicites, c’est-à-dire d’un affichage ouvertement raciste. Nos résultats en retrouvent très peu. Comme nous nous intéressons…

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