Dossier

Face à la prostitution des mineures

« Il ne suffit plus de dénoncer, il faut agir ! », invective l’Association contre la prostitution des enfants (ACPE). Lassée de dresser études et constats, l’association aurait-elle enfin été entendue ? Certains spécialistes veulent le croire. Après avoir commandé un rapport sur la question à un groupe de travail, remis en juin dernier, le secrétaire d’État à l’Enfance Adrien Taquet a annoncé en fin d’année dernière le premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, doté d’une enveloppe de quatorze millions d’euros, dont une partie sera orientée vers la répression des auteurs. Plusieurs développements du plan, comme une campagne de communication ou le déploiement d’une plateforme d’écoute unique, étaient annoncés pour ce mois de mars. Près de 10 000 jeunes, essentiellement des filles, seraient concernés. Souvent repris, ce chiffre oscille entre 7000 et 15 000. C’est à la fois peu et beaucoup trop. Surtout, la donnée est invérifiable. Ce n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Pour ces dernières années, certains observateurs soulignent une augmentation du phénomène, qui concernerait des filles de plus en plus jeunes. En parallèle, d’autres évoquent un meilleur repérage. Car si tous les professionnels du monde psychoéducatif et de la santé doivent encore être formés, certains commencent à être mieux armés pour repérer, orienter, accompagner. Les sages-femmes ne sont pas en reste (lire page 22). LE BASCULEMENT Sous-terraine et protéiforme, la prostitution des mineurs concerne surtout des filles, à 90 % au moins selon les quelques études sur le sujet. Les plus jeunes peuvent avoir 12 ou 13 ans, même si les plus nombreuses ont entre 15 et 17 ans. Les associations spécialisées comme ACPE ou Oppelia Charonne prennent les jeunes filles en charge jusqu’à 21 ans, âge jusqu’auquel l’Aide sociale à l’enfance est censée protéger les mineurs et très jeunes majeurs. Le phénomène peut être difficile à repérer et commence souvent l’air […]

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Actus

« La santé des femmes doit devenir un enjeu politique »

Qu’est-ce qui vous a poussée à candidater à la présidence de l’Ordre ? J’étais déjà impliquée, élue de l’Ordre et secrétaire générale au niveau national. Mes collègues m’ont aussi encouragée et je les remercie de la confiance qu’ils et elles m’accordent. Par ailleurs, la situation que nous vivons m’a fortement incitée à poursuivre les actions ordinales. Notre profession est en crise depuis longtemps. Mais cette fois-ci, la crise sanitaire a majoré ce que nous vivons depuis des années. L’hôpital est exsangue, mais c’est tout le système de santé qui va mal. Pour les jeunes sages-femmes notamment, entrer dans la profession dans la situation actuelle n’est pas sécurisant. Les femmes et les sages-femmes ont été les invisibles de la crise sanitaire. Le Ségur a oublié notre profession. J’ai également vécu les annonces du ministre Olivier Véran du 16 septembre 2021 comme une humiliation. La communication politique par la suite a visé à nous décrédibiliser auprès des citoyens en nous faisant passer pour d’éternelles insatisfaites face à des augmentations de salaire présentées comme conséquentes par le Gouvernement. L’idée était de détourner l’attention des citoyens de notre première préoccupation qui est la détérioration de la santé des femmes en France. Le pouvoir politique a aussi souvent évoqué des divisions entre sages-femmes. Elles existent en effet, mais qui peut prétendre à une position systématiquement consensuelle ? Et c’est bien dans les débats que les propositions émergent. Ainsi lors du mouvement de ces derniers mois, nous portions toutes une majorité de revendications identiques. En tant que présidente, je ne ferai pas de miracle face à la crise actuelle et ne serai pas infaillible, mais, avec les autres élues, nous mettrons tout en œuvre pour poursuivre les actions de défense de la profession.  Il est parfois reproché à l’Ordre d’aller au-delà de ses missions, notamment en matière de revendications […]

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Offre de soin

Maisons de naissance : un déploiement fragile

Déployer les maisons de naissance, mais très lentement. Telle semble l’option choisie par le Gouvernement. Avec la publication, fin 2021, de trois textes encadrant l’ouverture de nouvelles structures, le Gouvernement suit à la lettre les préconisations du rapport au Parlement remis par le ministère de la Santé en janvier 2020. Ce dernier recommandait d’inscrire dans le droit ce nouveau modèle d’organisation pour le pérenniser. En même temps, le rapport préconisait de limiter le nombre de nouvelles structures, d’éviter un déploiement trop large dans l’immédiat et d’attendre de nouvelles études médico-économiques pour revoir les modalités de financement actuelles. Ainsi, le financement pérenne des maisons de naissance est encore reporté après les élections présidentielle et législatives de 2022, au mieux. LE NERF DE LA GUERRE Pour l’instant, pour couvrir leurs frais de fonctionnement, les maisons de naissance bénéficient toujours d’une enveloppe du fonds d’intervention régional (FIR). Elle est de 150 000 euros lorsque les sages-femmes sont salariées et de 170 000 euros lorsqu’elles sont en libéral, 20 000 euros étant alors destinés à couvrir leurs frais d’assurance professionnelle. L’autre voie de financement repose sur la facturation des actes réalisés par les sages-femmes. Pourtant, le rapport du ministère de la Santé affirmait bien que ces modalités « ne sont pas à même d’assurer la soutenabilité organisationnelle et financière des structures dans la durée ». « Les décrets pérennisant les maisons de naissance sont décevants car rien n’est précisé en matière juridique et financière, témoigne Debohra Saba, usagère et présidente du Collectif des maisons de naissance. Nous espérions des propositions et solutions concrètes et il n’est pas normal que le financement soit fixe et qu’il n’augmente pas en fonction du nombre de naissance. » Le rapport du ministère de la Santé affirmait bien, sur la base des informations fournies par le cabinet d’audit Government Healthcare, que le mode de financement actuel « n’incite pas les […]

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Dossier

« Les sages-femmes ont un vrai rôle à jouer »

Pensez-vous que les sages-femmes puissent dépister des jeunes filles en situation de prostitution ? Les sages-femmes ont un rôle dans l’accompagnement des jeunes, autour de la contraception, de la gynécologie, de l’orthogénie, y compris dans l’accompagnement des grossesses de jeunes ou de très jeunes femmes qui ne vont pas forcément très bien. C’est important qu’elles s’autorisent à poser des questions. Elles le font déjà pour les violences sexuelles ou la consommation d’alcool. Par ailleurs, ces professionnelles ont un contact avec le corps qui est sans doute plus facile, par rapport à d’autres soignants. En outre, elles s’occupent beaucoup plus du corps sexuel. Elles peuvent sans souci aborder la notion de la vie sexuelle. Il faut évidemment qu’elles soient un peu formées en sexologie et surtout qu’elles restent très bienveillantes avec tous ces publics un peu vulnérables. Ces jeunes filles en situation de prostitution ne sont pas toujours très observantes, avec les conseils comme avec les traitements.  Mais presque toutes les sages-femmes, quel que soit leur mode d’exercice, peuvent repérer, dépister. Elles ont un vrai rôle à jouer. Cela sous-entend qu’il faut être capable d’apporter une réponse à la question posée. Pour cela, il faut se construire un réseau. C’est l’une des premières démarches à faire. Dans un premier temps, on peut se tourner vers les associations reconnues comme l’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), qui intervient sur le territoire national et prend en charge les jeunes jusqu’à 21 ans. Pour les plus âgées, on peut solliciter l’Amicale du Nid, qui s’est spécialisée dans les dispositifs d’accompagnement de sortie de la prostitution. Quels signaux doivent alerter ?  Il va souvent y avoir une chute du travail scolaire. Les fugues à répétition, les IVG et les IST à répétition, les grossesses précoces, vers 14 ou 15 ans, doivent alerter. Les fugues commencent progressivement puis s’accélèrent. […]

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Pratiques

Douleurs persistantes sans cause évidente 

EXPOSÉ Déborah* consulte pour des douleurs d’allaitement, ressenties depuis la naissance de son fils, âgé de 9 semaines. Elle a déjà consulté de nombreux professionnels sans trouver d’explication. Aucune lésion n’est retrouvée à l’examen clinique, l’observation de la tétée et l’examen de l’enfant ne révèlent pas de trouble anatomique ni de trouble de la succion. Une optimisation de la position afin que le bébé soit plus à plat ventre contre sa maman (méthode « Biological Nurturing » [1]) permet d’augmenter la prise en bouche de l’aréole, mais n’apporte aucune amélioration. L’évaluation analogique visuelle de la douleur est de 8/10, sans qu’aucune intervention n’améliore ce niveau de douleur. Déborah prend une position très crispée durant les tétées, du fait de la douleur. Cela m’amène à rechercher d’éventuelles tensions au niveau dorsal, cervical et pectoral. Toutes ces zones sont relativement tendues après la tétée. Je montre alors à Déborah des exercices à faire avant et entre les tétées afin de détendre les muscles pectoraux et dorsaux et lui propose de consulter pour une prise en charge de ces tensions (kinésithérapie et/ou ostéopathie). Je lui propose aussi de consulter son médecin traitant pour évaluer la possibilité de lui prescrire un dermocorticoïde et de prendre du paracétamol de manière régulière (1 gramme toutes les 6 heures). Nous nous donnons rendez-vous une semaine plus tard afin d’évaluer l’évolution de la situation après la mise en place de ces exercices et traitements. Une semaine plus tard, aucune amélioration n’est observée. Je reprends alors l’anamnèse et découvre que Déborah a toujours eu les seins hypersensibles, y compris lors des relations sexuelles durant lesquelles le fait d’être touchée au niveau des mamelons a toujours été très douloureux. Par ailleurs, Déborah souffre également de vulvodynies depuis plusieurs années. Elle précise que plusieurs médecins lui ont déjà affirmé que « c’était dans la tête », car l’examen […]

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Actus

Un livre blanc pour convaincre les candidats

Compte tenu de la fin de non-recevoir du Gouvernement face aux demandes des sages-femmes, les organisations professionnelles ont décidé dès fin 2021 de cibler les candidats aux élections présidentielle et législatives pour les sensibiliser à leur cause et aux droits en santé sexuelle et reproductive des femmes. Toutes se sont d’abord fédérées pour rédiger un livre blanc, récapitulant des propositions selon quatre axes : la santé sexuelle, la santé périnatale, les droits des femmes et l’évolution de la formation et de la profession de sage-femme. Intitulé Et si on parlait d’elles ?, il devait être rendu public le 7 mars lors d’une conférence de presse. ANCIENNE DIVISION Cette démarche de longue haleine a fait vivre le consensus entre les organisations jusqu’à ce que la proposition de la sortie de la fonction publique hospitalière soit inscrite dans le texte. Dans la dernière ligne droite de la finalisation du livre blanc, fin février, l’Union nationale des organisations de sages-femmes (UNSSF) et l’Association nationale des sages-femmes libérales (ANSFL) se sont alors retirées du projet pour exprimer ce point de désaccord. « Il semblait initialement qu’un consensus de rédaction était possible autour de l’évolution du statut médical des sages-femmes à l’hôpital sans évoquer ni le maintien ni la sortie de la fonction publique hospitalière, explique l’UNSSF dans un communiqué du 26 février. Le conseil d’administration de l’UNSSF a donc décidé de ne pas cosigner ce livre blanc puisque le contenu n’est pas consensuel. »  Ces dissensions ne sont pas nouvelles : tout au long du mouvement de protestation initié il y a un an, les organisations partageaient l’essentiel des revendications tout en achoppant sur la question du futur statut des hospitalières. Pourtant, alors que les grandes grèves de 2001 et 2014 avaient échoué en raison de cette division, les organisations avaient su la minorer devant leurs interlocuteurs en 2021. RAPPORT DE […]

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Info-pro

Interactions immunologiques cellulaires fœto-maternelles et prééclampsie précoce

Résumé L’étude des caractéristiques cliniques, épidémiologiques, histologiques et physiopathologiques de la prééclampsie permet de distinguer la prééclampsie précoce, d’origine immunologique, associée à un défaut d’invasion trophoblastique et un retard de croissance intra-utérin, de la prééclampsie tardive d’origine métabolique. Les concepts immunologiques du « soi et du non-soi » et du « manque de soi » utilisés dans l‘immunologie de la défense ne sont pas applicables à l’immunologie de la reproduction. Des processus d’immunotolérance et d’interaction immunologiques entre les cellules utérines maternelles et les cellules trophoblastiques interviennent en effet également dans l’immunologie de la grossesse et de la prééclampsie précoce. Les principaux mécanismes immunologiques de protection du fœtus vis-à-vis de la mère au cours de la grossesse normale sont l’existence d’une diminution de l’expression des antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité CMH de classe I et II, la présence de protéines de régulation du complément, la production locale d’IDO, la présence de cellules T régulatrices et de protéines jouant le rôle de points de contrôle immunitaires inhibiteurs. Ces mécanismes de protection sont plus proches de ceux observés au cours d’une prolifération tumorale vascularisée que de ceux observés au cours d’une allogreffe. Le rôle des cellules immunitaires et non immunitaires de la muqueuse utérine maternelle est essentiel dans la régulation de l’invasion du trophoblaste extravilleux et par voie de conséquence dans la régulation de la croissance fœtale et le risque de survenue d’une prééclampsie précoce. Les cellules T régulatrices situées à l’interface fœto-maternelle contribuent à la création d’une immunotolérance locale. Les cellules NK utérines ont, contrairement aux cellules NK circulantes, un phénotype cytokinique et non cytotoxique. Ce phénotype cytokinique est favorisé par la présence de HLA-G et HLA-E et contribue au remodelage vasculaire placentaire quand il est activé. L’activation ou l’inhibition des cellules NK utérines dépend des différentes combinaisons possibles entre les récepteurs KIR des cellules NK et les […]

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Actus

Rémunérations : l’arbitrage

En fin d’année dernière, et contre l’avis des syndicats professionnels de sages-femmes, de l’Ufmict-CGT et de la CFTC, les trois grandes centrales syndicales (FO, Unsa Santé Sociaux, CFDT Santé Sociaux) ont signé un protocole d’accord avec le ministère de la Santé à propos d’une revalorisation des salaires des sages-femmes de l’hôpital public (lire Profession Sage-Femme, n° 277, décembre-janvier, page 9). Mais comment cet accord va-t-il se traduire concrètement sur les fiches de paie des soignantes ? Laissés dans l’expectative, les syndicats signataires ignoraient les détails des déclinaisons des propositions gouvernementales dans les grilles salariales jusqu’à ce 25 février dernier. Désormais connues, les applications techniques de cet accord déjà signé doivent encore être soumises au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Sans grande conviction, FO et l’Unsa valideront, pressés par un calendrier électoral défavorable. Interrogée, la CFDT étudiait encore le texte. Ensuite, le texte devra passer devant le Conseil d’État, qui en vérifiera la légalité. LA QUESTION DES RETRAITES La prise en compte de l’augmentation de 500 euros annoncée par le Gouvernement dans les calculs du montant des retraites constituait un point d’achoppement, redouté par les syndicats. Aujourd’hui, ils estiment avoir limité la casse. « Seul le traitement indiciaire est pris en compte dans le calcul pour la retraite, explique Jean-Claude Stutz , de l’Unsa Santé Sociaux. Ce n’est pas le cas des primes ni des indemnités. Dans les 500 euros accordés, on compte une part de traitement indiciaire. C’est le complément de traitement indiciaire : le CTI de 183 euros, négocié dans le cadre du Ségur de la santé à l’été 2020. Nous avions exigé qu’il soit pris en compte pour la retraite. Le Gouvernement a mis en place un dispositif spécifique qui le permet. La prime d’exercice médical de 240 euros nets ne sera quant à elle pas prise en compte pour la retraite des fonctionnaires. En revanche, […]